« J’aurais voulu être égyptien » – Alaa El Aswany

J'aurais voulu être égyptien Caricature de l’Egypte ou pamphlet contre l’Egypte, son régime et les égyptiens?

L’état égyptien a choisi : il a muselé la liberté d’écriture de Alaa El Aswany, (auteur que j’ai découvert il y a plusieurs mois avec l’immeuble Yacoubian) et a interdit cet ouvrage qu’il trouvait diffamatoire pour l’Egypte principalement à cause de la première nouvelle « Celui qui s’est approché et qui a vu », nouvelle qui reprend l’essentiel des « Feuillets d’Issam Abd El Ati »Pour cette raison il faut lire ce livre féroce, qui nous décrit une société égyptienne coupée de son riche passé, voulant vivre la vie occidentale, ses turpitudes et celles des égyptiens, l’hypocrisie et la main-mise des religieux, les chefs incompétents et nuisibles, l’administration inutile la drogue, l’égyptien obsédé sexuel ou avare, ses relations avec les femmes, le piston….

Ce pays se coupe ainsi de ses racines riches, de sa culture millénaire, « l’art et la littérature sont complètement morts en Égypte »

Un humour et une férocité toujours présents confirmant si besoin était l’amour profond que l’auteur porte a son pays détruit à petit feu par le pouvoir et les dirigeants égyptiens

« Vous êtes égyptien? Oui malheureusement » (P. 108)

Afin que cet ouvrage puisse paraître Alaa El Aswany dut se désavouer:

  • « Je pris une feuille de papier et un stylo et j’écrivais sous le titre « Désaveu » : « Je soussigné, auteur de ce roman, annonce que je ne suis absolument pas d’accord avec les opinions qui se trouvent dans la bouche de son héros, Issam Abd el Ati, et que je crois au sujet de l’Égypte et des Égyptiens. » Puis de moi-même j’ajoutais : « Je voudrais souligner que le héros de ce roman est une personne extravagante, déséquilibrée et qui trouve son châtiment à la fin. Ce désaveu a été écrit à la demande du Comité de lecture de l’Office du livre. » (P.21) 


L’auteur : Alaa El-Aswany


 

« Extraits

  • « L’Égypte des pharaons était vraiment une grande nation, mais qu’avons nous à voir avec eux. Nous sommes le produit avarié du métissage de soldats  et de sujets vaincus asservis » (P. 27)
  • « Un simple larbin, voilà ce qu’est un égyptien. Je déteste les égyptiens et je déteste l’Égypte de tout mon cœur » (P. 28)
  • « Sache que l’art et la littérature sont complètement morts en Égypte » (P. 50)
  • « Et tu veux nous convaincre qu’il existe en Égypte un public pour l’art ? Descends dans la rue et tu comprendras. Regarde la tête des gens. Tu crois que ces gens-là peuvent s’intéresser à l’art. Ils sont endormis et leur seul rêve, ce sont les poulets de la coopérative » (P. 51)
  • « Parfois j’ai l’impression que les gens n’ont pas plus envie de rire que les dessinateurs de dessiner » (P. 56)
  • « Le haschisch est souverain juste qui vous donne ce que vous méritez, qui donne à chacun la part qui lui revient. Il prodigue aux pauvres l’euphorie, mais ceux qui pensent, ceux qu’Il sait épris de liberté, il les prend par la main, les attire vers lui et leur découvre les secrets. Lorsque l’haleine du haschisch me brûle la gorge et que son emprise se répand en moi,je vogue vers l’horizon et j’apprends  » (P. 95)
  • « L’Esprit de l’Occident nous entoure. Nous le voyons partout, mais nous l’abstrayons rarement de ses manifestations extérieures. Tout ce qui est élégant dans nos existences est nécessairement occidental. Des exemples? La blouse balance du médecin, les appareils scientifiques ou même ménagers, la cravate d’un acteur de cinéma, une voiture luxueuse aux lignes modernes, tout, tout ce qui nous plait vient de chez eux. Lorsque ma pensée atteignit ce niveau de clarté, de peur d’oublier ce que je venais de comprendre et craignant que des idées moins importantes ne l’oblitèrent, je pris alors un carnet dans mon bureau et y inscrivis : « je viens de me rendre compte aujourd’hui que je suis tombé captif de l’esprit de l’Occident. Autant notre insignifiance est à mes yeux avéré, autant leur esprit m’est apparu de merveilleuses possibilités » (P. 103)
  • « Il y a en Égypte beaucoup de belles choses qui méritent mieux d’être photographiés que des enfants aux pieds nus…..si en Égypte on ne photographie pas des enfants aux pieds nus, des pauvres et des tas d’ordures, que reste-t-il en dehors de pyramides et du Sphinx?  » (P. 107)
  • « Vous êtes égyptien? Oui malheureusement » (P. 108)« Vous l’aimez (L’Egypte) exactement comme on aime un spectacle pittoresque au cirque ou comme on aime un à animal rare au zoo. Croyez-moi si vous étiez né en Égypte, ce serait une tragédie. » (P. 108)
  • « Je lui affirmai que l’Égypte etait morte, que les sociétés comme toutes les créatures passaient par l’étape de l’enfance, de l’adolescence, de la jeunesse, puis qu’elles vieillissaient et mourraient. Notre civilisation était morte depuis des centaines d’années et il n’y avait aucun espoir qu’elle renaisse. Je lui dis que les égyptiens avaient une mentalité d’esclaves, de domestiques et qu’ils ne comprenaient que le langage de la force. » (P. 109)

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